Mes lectures du mois : Septembre 99

Voici un avis (qui n'engage que moi ...) sur les dernières BDs que j'ai lu. Tous ces albums ne sont pas issus des Editions Delcourt et tous ne sont pas des nouveautés mais j'aime bien partir à la découverte d'auteurs qui me sont inconnus (sur les conseils de mes libraires favoris ou ... des vôtres).


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Zoé : (Chabouté Vents d'Ouest 1999)
Zoé sort de prison ou elle vient de passer dix ans après un braquage qui a mal tourné. Aspirant enfin à la liberté et au grand air, elle investit la maison de sa grand mère qui vient de décéder. Mais sa tranquillité ne va pas durer longtemps et elle va bien vite être confrontée au habitants (inquiétants) du village ou elle a emménagé.
Fantastique album, noir, noir, noir ....
Dans une ambiance qui fait immanquablement penser au "Silence" de Comès (quoique dans un style graphique assez éloigné), Chabouté (dont j'avais beaucoup aimé le précédent album, "Quelques jours d'été" aux éditions Paquet) raconte une histoire très sombre souvent à la limite du fantastique. Le graphisme, très dépouillé, en noir et blanc, ajoute à l'atmosphère lourde et assez angoissante.
Pas vraiment drôle ... mais beau, très beau !!!
Un gros problème toutefois, la déplorable qualité d'impression : certaines pages font office de papier carbone et on se retrouve avec des planches en sur-impression sur les suivantes.

Clara : T1 Faux-Fuyant (Chauzy/Lapierre Casterman 1999)
Bien malgré elle, Clara succède à son père qui vient de mourir en reprenant son activité professionnelle : détective. Sa première enquête : un mystérieux message retrouvé dans un cadavre au cours d'une autopsie par un étudiant en médecine.
Cette intrigue policière assez classique est scénarisée par Lapierre (Charly et surtout le magnifique Bar du Vieux Français). Mais l'enquête de Clara n'est qu'un prétexte, le principal intérêt de cet album, c'est la description d'un immeuble minable et ces habitants tout autant minables mais pourtant chaleureux et sympathiques et là on est plus très loin de Béton Armé scénarisé (et dessiné) par Chauzy... Enfin, cet album permet d'admirer les couleurs chaleureuses de Chauzy (en couleurs directes). Une belle réussite !

Le Sursis : T2  (Gibrat  - Dupuis 1999 - collection Aire Libre)
L'Album de l'année (pour sa qualité  ...) ? Eh oui, Dupuis fait très fort en ce mois de septembre. Après Largo Winch du très controversé JVH, voilà arriver le très attendu Sursis 2 d'un auteur au talent unanimement reconnu, j'ai nommé Gibrat. En tous les cas, la lecture consécutive du LW puis du Sursis est édifiante. Un véritable monde les sépare !
Le T2 est encore un album magnifique !
Voici la critique de Thierry Bellefroid, vraiment enthousiaste ...
" ... Que dire du Sursis ? Devant une oeuvre d'une telle qualité et d'une telle sincérité, je me sens bien démuni. Le premier album avait fait grosse impression. Il avait prouvé à ses détracteurs que Gibrat n'était qu'en sommeil, attendant l'étincelle. Cette étincelle, il l'avoue lui-même, ce fut l'envie de servir le dessinateur qu'il était. L'envie d'aller jusqu'au bout de son art, de construire une histoire aux personnages humains, denses, aux couleurs et aux lumières difficiles, avec des scènes de nuit, de la pénombre, des visages derrière des persiennes, des saisons qui se suivent et bien sûr... l'Aveyron. L'Aveyron, patrie d'adoption de Gibrat, qui lui rappelle les souvenirs heureux de l'enfance, ses grands-parents, une certaine idée du bonheur. L'Aveyron qui se prête merveilleusement à ce faux-vrai huis-clos. Petit village, gens aux caractères typés vivant très proches les uns des autres, s'appréciant, se redoutant ou se détestant avec la même cordialité.

Le Sursis est plus qu'une BD. C'est ce qu'on appelle une oeuvre. Gibrat n'y a pas mis que son art. Il y a mis ses tripes. Pour servir le dessinateur, il s'est fait scénariste. Et quel scénariste ! Les dialogues du Sursis sont d'une justesse et souvent d'un humour parfaits. L'adaptation cinématographique pourrait les reprendre tels quels... Quant aux récitatifs, ils laissent transparaître une plume longtemps ignorée. L'histoire elle-même sert les personnages et l'univers de l'auteur. Elle est à la fois originale et « effacée ». Elle vient en miroir nous dire qui nous sommes. De Paul ou de Julien, nous choisirions d'être le premier : le médecin, ami parfait, résistant, fils modèle. Mais la réalité nous projetterait sans doute plus vite dans la peau de Julien -cachés, spectateurs passifs de la guerre-, que dans celle de Paul, le résistant héroïque fusillé pour protéger les siens. Nous ne sommes pas tous des héros en puissance, en dépit de nos rêves. L'une des forces du Sursis est de nous le rappeler avec élégance.

Et puis il y a Cécile, quintessence de la féminité. En dire plus est inutile. Il faut lire Le Sursis. C'est tout ..."

Un (tout) petit bémol pourtant : le second tome, plus lent et plus verbeux ...
Et puis Julien n'est plus dans son perchoir et n'a plus sa position d'observateur privilégié de la vie du village et la rencontre avec Cécile intervient trop tôt et brise un peu le suspense, mais bon ...

Largo Winch : T10 ... et mourir  (Francq/Van Hamme  - Dupuis 1999)
L'Album de l'année (pour les ventes ...). 400 000, 500 000 exemplaires ? plus sans doute au vue des colossales piles qu'on peut voir dans toutes les grandes surfaces (LW dépasse XIII au niveau des ventes désormais). Ce succès est-il mérité ? Ce qui est certain c'est que "Voir Venise ... et mourir" est bien plus réussi que les épisodes précédents. L'intrigue, moins "financière" ou exotique, est beaucoup plus classique. Le scénario très dynamique de JVH est superbement servi par le dessin nerveux de Francq. Bref, du suspense (quoique un peu trop facilement éventé), de l'action, de jolies filles : un bon divertissement mais sans plus ... Aussitôt lu, aussitôt oublié !

La jeune fille et le vent : T3 D'où vient le vent  (Jung/Ryelandt -  Delcourt 1999)
Ce troisième tome est très différent des deux premiers. La société matriarcale de Baoking passe au second plan. Plus fantastique, moins intéressant, je n'ai pas accroché ce qui devrait être le dernier album de la série.

Troll : T3 Mille et un Ennuis (Morvan/Sfar/Boiscommun -  Delcourt 1999)
Le temps a passé. Nos deux héros, Albrecht le gobelin et Mangog le troll, tentent de parfaire l'éducation de leur dernier rejeton, Fidel. Apprenant que Larve est toujours en vie, ils décident de monter une expédition pour la libérer des griffes du docteur Esculape et du Grand Cavalier.
Ce troisième volume termine la série de façon un peu brutale et sur un ton assez différent de celui du début (plus "léger"). L'influence de Morvan se fait nettement sentir et "Mille et un Ennuis" ressemble de plus en plus à de l'héroïc classique type Lanfeust de Troy. Dommage.
La dernière planche, clin d'œil à Asterix, revisite de façon amusante la vision biblique de la "création".

Le journal de mon père : T1 Le grand incendie (Tanigushi - Casterman 1999)
Séjournant dans sa ville natale pour l'enterrement de son père, Yoichi Yamashita replonge dans les années heureuse de son enfance, quand ses parents s'aimaient encore. C'était il y a longtemps, avant que le grand incendie qui, en même temps que leur maison, ravageait leur avenir.
Ce manga reste très éloigné de la production (tout du moins celle importée) habituelle du genre. Ici, point de "baston" et autre cyber punk, mais une histoire intimiste, "paresseuse" et chargée d'émotions sur les rapports parents/enfants, le temps qui passe et les regrets tardifs.
Premier volet d'une série prévue en trois albums, ce manga, au format "à l'européenne" m'a permis de découvrir une nouvelle facette de cet art si populaire au Japon. Une bonne surprise !