Mes lectures du mois : Juin 99

Voici un avis (qui n'engage que moi ...) sur les dernières BDs que j'ai lu. Tous ces albums ne sont pas issus des Editions Delcourt et tous ne sont pas des nouveautés mais j'aime bien partir à la découverte d'auteurs qui me sont inconnus (sur les conseils de mes libraires favoris ou ... des vôtres).


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On a tué Wild Bill (Hermann - Dupuis Aire Libre 1999)
Avec ce nouvel album d'Hermann dans la collection Aire Libre de Dupuis, Herman se rattrape bien. Autant Sarajevo-Tango avait pu décevoir par son scénario manichéen, autant "On a tué Wild Bill" est un album qui fleure bon l'ouest Américain. Authentique : le premier mot qui m'est venu à l'esprit en fermant ce superbe album. On s'y croirait !!!
Les aventures de Melvin, chercheur d'or, trappeur, cow-boy, barman malgré lui, malmené par la destinée et qui saura finalement se prendre en main se déroulent dans une époque charnière de l'Amérique. Et sous le prétexte d'une vengeance, Hermann nous montre la réalité d'un monde dur et sans nuances finalement bien proche de ce qu'il est devenu ...

Chroniques de la terre fixe : Nocturnes (Caza - Delcourt 1999)
Prélude au monde d'Arkadi (Humanoïdes associés), cet album est une véritable curiosité et sa présence dans le catalogue Delcourt semble incongrue !
Reste que cet album (qui de cases en cases me rappelle de superbes couvertures de SF) construit un univers tant graphique que narratif ensorcelant (qui n'est pas sans faire penser à Moebius ou Druillet) mais sans posséder la dimension épique du monde d'Arkadi (dont à priori il n'y aura pas de suite ...).
A noter l'intervention assez réussie d'outils informatiques dans certaines planches.

Gil St André T3 Fugitif (Kraehn - Vallée - Glénat 1999)
Le premier tome aurait pu être un superbe One Shot (le titre "L'home qui aimait les poupées" le laissait penser) sans les deux dernières planches. La suite n'est qu'une histoire policière assez peu originale mais qui se laisse lire agréablement tout de même. Bref, je suis un peu excédé par ces héros dans la lignée d'un Largo Winch (riche, beau, intelligent, ...). Je préfère largement le "Bout d'Homme" (dans la collection Caractère du même éditeur) qui malgré son pouvoir et son infirmité semble beaucoup plus humain !

L'Ascension du Haut Mal T2 - T3 (David B - l'Association 1997/1998)
la famille Beauchard poursuit sa descente aux enfers. Descente accompagnée par de nombreux charlatans (apôtres de la macrobiotique, gourous, médiums, ...) qui n'apportent évidemment aucune solution ni aucun réconfort. Les crises d'épilepsie de l'aîné de la famille ont repris leur rythme quotidien, la lutte contre la maladie semble définitivement perdue ...
Cette autobiographie très sombre possède un attrait extraordinaire. Le troisième tome assez différent des deux premiers est sans doute le plus émouvant.
Voici l'avis d'un spécialiste sur cette oeuvre majeure de la BD :
Thierry Smolderen in frabd 13/11/1998
Comme "Maüs", "L'Ascension du Haut Mal" raconte l'histoire d'un traumatisme revisité avec beaucoup de lucidité. Le récit d'une enquête, un travail qui se pose des questions de méthodes, autant que des questions de fond. Au centre du récit, comme dans Maüs, un personnage qui se fabrique une cuirasse pour résister à une crise. On sait (c.f. "The Sense of an ending" de Frank Kermode) que l'état de crise permanente est ce qui dans notre cosmogonie judéo-chrétienne a remplacé la notion de Jugement Dernier; la modernité, c'est une apocalypse par seconde et par personne... Mais pour l'enfant que fut David B., l'apocalypse, la crise qui transforme l'existence à chaque instant porte un nom, elle se manifeste par des signes reconnus de tous, elle s'exerce sur son frère aîné, et on l'appelle une"crise d'épilepsie".
Le père de SPiegelman (l'auteur de Maüs), plongé dans les horreurs de la Shoah s'était construit une écorce incroyablement résistante: une attention à chaque détail concret de la vie qui est probablement la forme primitive de la culture comme instrument de survie : l'art de l'inventaire (ex. : Robinson qui fait l'inventaire du naufrage, et puis survit une éternité sur son île).
La cuirasse de l'enfant que fut David B. est une cuirasse d'imaginaire, mais quel imaginaire ! Et qu'on est loin des petites évasions pour tromper l'ennui ! ici, il s'agit de résister à toutes les conséquences en cascades de cette maladie qui frappe juste à côté, ce frère qu'on a toujours connu, ce "grand frère", qui se transforme inexplicablement en "bébé frère" chaque fois qu'il se recroqueville dans sa crise.
J'ai la couverture du livre sous les yeux : deux gamins sans grâce, qui nous regardent avec des yeux de guerriers. Un malheur apocalyptique peut transformer un enfant en guerrier; il suffit de relire "L'Empire du Soleil " de Ballard pour trouver un autre magnifique exemple; le gamins ont le sens de la guerre, en tout cas le sens des '"machines de guerre".
Ces machines, David B. les trouve dans les livres d'histoire qu'il dévore, mais c'est son dessin qui les recueille, qui les assemble et les dispose. Dans ces machines de guerre, il y a des cuirasses bien sûr, pour garder le regard droit au milieu de l'Apocalypse, des armes, le don d'ubiquité (on devient foule, une multitude), et puis... les totems. Les yeux, les dents, les masques...
Pendant que les adultes, déboussolés consultent tout les charlatans imaginables, l'enfant que fut David B. se construit une cosmogonie personnelle, parfaitement efficace, et qui perce tout les pièges, tous les stratagèmes trompeurs des spirites et autres imposteurs. L'Ascension du Haut Mal nous donne évidemment la clé des autres livres de David B. Son album "Le Tengû Carré" est une merveilleuse histoire guerrière et totémique qui ne peut qu'être mieux lue encore, si on sait sur quel terreau elle a poussé.
En tout cas, il y a aujourd'hui une façon de faire de la bande dessinée ‹une manière de raconter la vérité tout en invoquant les totems, les esprits, les symboles et les forces qui participent à la construction subjective du réel. Et cette manière n'appartient qu'à David B.

Les yeux à vif (Tomine - Delcourt 1998)
Recueil de 12 nouvelles en noir & blanc (contrairement à ce que la couverture laisse penser) parfois très courtes (une ou deux planches). Scènes ordinaires de la vie quotidienne de personnages ternes qui pourraient être vous ou moi... Le problème, c'est qu'elles ne possèdent que peu de charme et se terminent souvent en "queue de poisson"...
Bref, je n'ai pas été emballé ...

Coutoo (Andreas - Delcourt 1989)
L'inspecteur Kraft prend la succession de son père (non, non, ce n'est pas un remake du célèbre film de Zidi, l'Inspecteur la Bavure !!), blessé lors de l'arrestation de Coutoo, énigmatique tueur psychopathe. Suivant les indices laissés par son père, il va devoir suivre la piste de Coutoo, mystérieusement ressuscité.
Voici un album à la fois passionnant et frustrant. Passionnant par sa densité, la complexité de son intrigue stimulant en permanence l'intelligence du lecteur. Frustrant pour les mêmes raisons : deux ou trois lectures sont indispensables pour remettre en place toutes les pièces du puzzle !!!. Il faut donc prendre son temps pour savourer ce chef d'oeuvre d'Andreas.
Ce n'est que le troisième album de cet auteur que je lis, et je suis déjà un fan !!!!

Carmen Mc Callum T4 Samuel Earp (Duval - Gess - Rabarot - Delcourt 1999)
Carmen Mc Callum nous revient dans de nouvelles aventures sur vitaminées. Fred Duval se montre toujours aussi à l'aise dans la construction d'un univers futuriste cohérent et crédible. Pour ce 4ème album, la qualité est encore au rendez-vous. Pourvu que ça dure !!!
Un bémol pourtant : la couverture blanche, première chez Delcourt (tout du moins pour un album de ce format), très, très, laide ...

Monsieur Jean T1 (Dupuy - Berberian - Humanoïdes Associés 1991)
Dupuy et Berberian viennent d'être primés à Angoulème. C'est sans doute ce qui explique le retirage effectué par les Humanoïdes associés des trois tomes de Monsieur Jean. Bonne intention, mais problème, la qualité des albums est déplorable.
Bon, heureusement ça ne gâche pas la lecture du premier album des aventures de Monsieur Jean. Constitué d'une succession de tranches de vies, l'ensemble se laisse déguster en appréciant l'humour assez fin mêlé de tristesse et de tendresse. Une belle découverte (pour moi) !!!

Dixie Road T3 (Dufaux - Labiano - Dargaud 1999)
La famille Jones cumule les ennuis. Après une milice privée, la voici avec un tueur à gages lancé à ses trousses ! Ce road movie prend place dans l'Amérique des années 30, celle de la crise ou le chômage côtoie la misère et le racisme. L'histoire est toujours aussi prenante quoique un peu "hachée" et Labiano (que j'avais découvert dans Matador chez Glenat) nous offre des planches splendides.
Pourtant l'histoire donne l'impression de faire du surplace (peu de révélations sur Nadine Jones, par exemple) et j'ai peur que cette série ne se prolonge encore de trop nombreux volumes. Dufaux en a l'habitude ...

Toto l'Ornithorynque et l'arbre magique T1 (Yoann - Eric Omond - Delcourt 1997)
Catastrophe : la rivière où Toto l'ornithorynque se baigne chaque jour n'a plus d'eau ! D'ou provient cette soudaine sécheresse ? Pour éclaircir ce mystère, Toto et son ami Wawa le koala s'enfoncent dans une épaisse forêt pleine de dangers et d'étranges créatures ...
Cet album a été primé à Blois et à Bruxelle : la critique ne s'est vraiment pas trompée !!!. Lire cet album, ou plus encore, le faire découvrir à ses enfants est un réel plaisir ! Le graphisme naïf et les couleurs vives de Yoann font merveilles, les textes ciselés d'Eric Omond captivent l'attention et les 30 planches sont bien trop vite finies. Voici un album très bien ciblé à faire découvrir et à offrir.

Le Vent dans les Saules T1 et T2 (Pessix - Delcourt 1996/1998)
2 albums superbes. Les dessins magnifiques de Plessix, les couleurs chaudes, le trait d'un finesse extrême font de chaque planche une véritable oeuvre d'art. L'histoire de "Taupe" et de "Rat" un peu trop statique au début s'anime dans le second volume. Ces albums comportent véritablement beaucoup de magie.
Oui mais voilà, il y a un problème ... Pour qui sont destinés ces albums qui font partie de la collection Jeunesse ? Certainement pas à un public d'ado ou de pré-ado qui ont passé l'âge des contes, encore moins à des petits de 7 à 10 ans qui veulent des aventures plus dynamiques. Pour les enfants plus petits ? Mais dans ce cas les dessins et les personnages sont trop complexes ... Je suis perplexe ...
Reste les parents qui ont lu Julien Boivert. Pour tous ceux-la (s'ils acceptent cette version faussement naïve de la vie des étangs), alors Le Vent dans les Saule reste un achat indispensable.

Les Aventures de Stéphane T9 : Vanina Business (Ceppi - Humanoïdes Associés 1999)
Stéphane Clément est entraîné (encore une fois à son corps défendant) dans une sombre histoire de pots de vins, de mafia d'EX-URSS et prostitution. Une aventure bien peu convaincante servi par un graphisme qui m'est insupportable : pourquoi systématiquement balafrer ainsi le visage des personnages ???.

Double fond (Jason Lutes - Delcourt 1997)
Pourquoi cet album ne fait-il pas partie de la collection Encrages ? Il en a en tous les cas le format, le prix et surtout le ton. Dans cet album en Noir & Blanc, Lutes nous décrit l'Amérique des laissés pour compte, de l'alcoolisme, de la misère. Une vision sombre et sans espoir. Et pourtant émergeant de cet univers, des personnages très pittoresques, pleins de vie (un peu caricaturaux c'est vrai) arrivent à nous faire sourire. Il reste tout de même un peu d'espoir.
A rapprocher de l'album de Garces "Un Cauchemar Américain". Un autre regard sombre sur l'Amérique (quoique très différent).

Les Mangeurs de Cailloux (Loyer - Delcourt 1998)
Jean-Luc Loyer, natif d'Hénin Beaumont (entre Lens et Douai), connaît bien le Nord. Le Nord et ses corons, ses terrils, ses mines abandonnées, un univers dur mais chaleureux et surtout plein de mystères pour un petit garçon de huit ans. A la recherche de son chien, ce tiot un peu trop imaginatif va devoir surmonter ses peurs d'enfant pour le retrouver.
Le graphisme (en noir et blanc évidemment) oscille superbement entre réalisme et naïveté et même si le scénario ressemble souvent à un catalogue de personnages ou de faits parfois hauts en couleur, mais sans liens apparents à l'histoire, cet album m'a fait passer un très bon moment.