Mes lectures du mois : Avril 2000

Voici un avis (qui n'engage que moi ...) sur les dernières BDs que j'ai lues. Tous ces albums ne sont pas issus des Editions Delcourt et tous ne sont pas des nouveautés mais j'aime bien partir à la découverte d'auteurs qui me sont inconnus (sur les conseils de mes libraires favoris ou ... des vôtres).


[Lectures 1999]
[01/00] [02/00] [03/00] [04/00] [05/00] [06/00] [07/00] [08/00] [09/00] [10/00] [11/00] [12/00]

Aménophis 4 : T1 Demy (Dieter/Le Roux - Delcourt 2000)
Station Aménophis IV, John Barhile célèbre la première messe dans sa nouvelle église. Lors de la cérémonie, il bénit un anthro, chimpanzé créé en laboratoire, au service de l'homme. Cet événement fait basculer un fidèle dans une folie destructrice. Il mutile bientôt un cheval cloné. Bientôt, un anthro et un chercheur en génétique sont assassinés. Cette série d'attentats inquiète les autorités d'autant plus que les anthros manifestent de grandes réticences à accomplir leurs tâches et semblent acquérir une conscience collective. L’inquiétude grandit et la population organise des rondes
Dieter est visiblement à l'aise dans tous les styles : aventure (Julien Boivert), western (Janet Jones) ou polar (Vieux fou), sans compter sa plus belle réussite : Névé chez Glénat.  Il s'attaque donc à la science fiction et il se montre la aussi très convainquant en pondant un scénario très solide (même si l'apparition d'une nouvelle religion parait bien peu crédible) que tous les lecteurs de la superbe trilogie "Mars la ..." de K.S. Robinson apprécieront.
Cet album aurait pu figurer dans la collection "Série B" puisqu'elle en est très proche par l'époque traitée (milieu du XXIème siecle), le thème et aussi le graphisme (assez proche de celui de Damour dans les premiers tomes de Nash).
A noter le superbe cahier graphique en guise d'apéritif ...
Bon eh bien, maintenant que Le Roux a terminé ce premier tome .. à quand la suite du Serment de l'Ambre ???

Le chant de la machine : T1 ( Blot/Cousin - Delcourt 2000)
Cette première partie (deux parties en tout) se compose de 5 chapitres : Le Disco et sa chute vertigineuse fin 80, Le Paradise Garage et son DJ Larry Levan qui fait la transition Disco/House, Chicago et ses ghettos black où la House prend son essor, Detoit et l’émergence d’une musique plus industrielle, la techno et le dernier chapitre consacré au groupe New Order.
A noter la sortie simultanée d'un vinyl/CD reprenant les meilleurs morceaux (mixages) des groupes ou DJs évoqués dans l'album.
Bon, attention, cette BD est réservée aux fans de musique "contemporaine" (non, pas celle de France Culture ...)  et de son histoire. Drôle d'idée que celle de raconter l'histoire du Disco et de la Danse en BD ...
Pourtant, malgré un chemin musical qui m'a fait passer de Yes aux Smashing Pumpkins via The Clash et Fisher Z, mais sans jamais m'arrêter par la case Disco et Dance (qu'elle soit techno ou House), j'ai lu cet album avec beaucoup de plaisir.
Le langage tout d'abord, peu commun dans une bd : c'est un mélange surprenant de franglais, de verlan et de termes techniques (un lexique aurait été sympa). Le ton ensuite, très coloré (même si l'album est en noir et blanc), très "branché" en tout cas.
Le graphisme enfin ou le noir et blanc semble très bien adapté à la description d'une époque ou les couleurs psychédéliques n'étaient plus de mise.
Bref un premier album homogène et très réussi.

Le Maître de Jeu : (Corbeyran/Charlet - Delcourt 2000)
Kyle Mc Allister est un maître de jeu reconnu. Recruté pour tester un nouveau jeu de rôle, il rassemble trois joueurs émérites et les entraîne sur une île déserte. Pendant ce temps, Quentin, jeune infirme et internaute de talent, emménage bien malgré lui dans un château pour le moins lugubre. Il y découvre un vieux livre, narrant l'histoire d'un notable allemand du début du siècle qui se serait rendu sur une île pour y rencontrer un stryge, créature surnaturelle, et disparaître...
Fort de ses prémonitions et d'une carte maritime, Quentin décide de mener son enquête. De son côté, Kyle a déjà perdu un de ses joueurs. La partie ne fait que commencer.
Voici donc la seconde histoire de Corbeyran basée sur le mythe des Stryges qui doit donc nous offrir un nouvel éclairages sur ces bien étranges monstres mi homme mi oiseaux (la lecture de la première, "Le chant des Stryges" n'est pas indispensable ... pour le moment).
Eh bien, je trouve cette nouvelle série plus intéressante que "Le chant des Stryges". Le graphisme et le découpage (qui font parfois penser à Andréas) sont plus dynamiques, plus "précis" et l'histoire beaucoup plus limpide.

Le Vieux Ferrand : (Gibelin/Aris - Delcourt 2000)
A peine installée dans le hameau de Choucas, Myriam Lopez  fait connaissance avec l'une des spécialités de la région  : ses lacs. C'est en effet dans l'un d"eux qu'atterrit sa voiture après une sortie de route ! Par chance, Fernand Ferrand, ancien propriétaire de la sablière de même nom, arrive sur les lieux de l'accident. Peu après, Myriam et sa fille Mélie sont tirées d'affaire...
Mais l'arrivée inopinée de la belle bourgeoise ne bouleverse pas que la surface des eaux. Le trouble s'empare notamment des mâles de la famille Ferrand, à commencer par son patriarche...
J'ai été un peu déçu par cette BD ... et pourtant Gibelin nous a souvent habitué à de bons scénarios (les ailes de Plomb par exemple) ... mais là ...
Voici donc l'avis éclairé de Thierry Bellefroid (de BD Paradisio), assez enthousiaste :
"Christophe Gibelin retrouve Sang-Froid où il scénarise déjà l'excellente série « Les ailes de plomb » (avec Barral, deux volumes parus). Et on ne peut que s'en réjouir. Car ce « Vieux Ferrand » a quelque chose de typiquement français qui fait immédiatement penser aux « Ailes de plomb ». Cette impression d'être dans un film où pourrait jouer Gabin, ces paysages et ces gens qu'affectionnait le cinéma français des années 70-80, on retrouve tout cela dans les deux séries, mais plus encore dans celle-ci.
La force de Gibelin, c'est de nous camper des personnages crédibles, intéressants, voire captivants et de leur mettre en bouche des dialogues taillés sur mesure. Une femme seule et sa fille s'installent dans un bled perdu de la région de Toulouse, Choucas. Un hameau fantôme, largement déserté par la majorité de ses anciens habitants. Le mari est au Venezuela, il travaille sur une plate-forme de forage. Les voisins sont méfiants et taiseux. Jusqu'au jour où Myriam Lopez verse dans un étang avec son 4X4. Rencontre avec le Vieux Ferrand, Fernand. Et l'histoire bascule. Fernand est un chef de famille tyrannique et violent. C'est aussi un homme dont la vieillesse n'a pas éteint la libido, bien au contraire. L'apparition de cette belle bourgeoise va le rendre fou de désir et jaloux à mourir de tous ceux -y compris ses fils- qui ont le malheur d'approcher Myriam Lopez. La chronique villageoise peut virer au drame. La machine est bien huilée, tout se passe comme si une fois le doigt mis dans l'engrenage, il n'y avait plus qu'à suivre le cours des événements. Gibelin est très fort à ce jeu-là et tire les ficelles avec habileté, se servant de la petite fille et d'un nouveau voisin plutôt beau gosse pour amener des ingrédients dans ce pot-au-feu régional. Personnage central, le vieux Ferrand est troublant de vérité. Le dessin d'Aris, jeune dessinateur toulousain qui réalise ici sa toute première BD, ajoute ce qu'il faut de réalisme à l'histoire. Son Fernand Ferrand est parfait, avec sa figure pleine de rides et son crâne chauve ceint d'une couronne de longs cheveux blancs. Peut-être lui trouverez-vous comme moi un petit air de ressemblance avec un certain Singfold (Jessica Blandy) de même que le jeune Philippe Sillon ressemble un peu au Sambre d'Yslaire. Mais hormis ces ressemblances (il y en a d'autres, sans doute toutes inconscientes dans le chef du dessinateur), Aris livre un très beau premier album, très à l'aise dans les décors et le découpage, perfectible dans les personnages. Et bien sûr, magnifiquement servi par les couleurs de Gibelin dont c'est la spécialité. La série se déclinera en trois albums. Du vrai bon polar français."

La Théorie des gens seuls : (Dupuy/Berberian - Humanoïdes associés - 2000)
Cette suite d'histoires prend place dans la chronologie des albums de Monsieur Jean entre le milieu du troisième album (Les femmes et les enfants d'abord) et le début du quatrième (Vivons heureux sans en avoir l'air). Félix, à la rue, vient s'installer chez Jean provisoirement  ...
Composé de 9 histoires, cet album offre un grand moment de plaisir. Et comme souvent avec Dupuy/Berberian les quadra et autres " grands adolescents attardés" se reconnaîtront sans doute un peu dans Mr Jean ou Felix.

L'Ascension du Haut Mal T4 : (David B - L'Association - 1999)
Encore une fois, j'ai lu cet album plus de deux mois après l'avoir acheté ! Comme d'habitude, je n'étais pas très enthousiaste pour l'ouvrir. Et pourtant ...
Plus encore que dans les tomes précédents, David B poursuit son "analyse" et le lecteur se retrouve véritablement dans la peau du psy. Les dégâts causés par l'obstination des parents à vouloir guérir leur aîné atteint d'épilepsie à tout prix deviennent de plus en plus évidents et Pierre-François - ou plutôt David  - s'isole de plus en plus dans son monde imaginaire.
Ce tome 4 semble plus sombre et introspectif que les albums précédents (il ne reste d'ailleurs que bien peu de jaune sur la couverture) mais c'est peut-être mon préféré..
En attendant avec impatience le T5 qui devrait terminer cette série attachante et pas comme les autres (et celui là je ne mettrais pas deux mois à le lire).

Abraxas  T1 :  Le Brouet Sapide (Corbeyran/Alfed - Delcourt - 2000)
Lorsque Saturnin, jeune apprenti magicien, arrive à Levallois, la ville est terrorisée. Un tueur en s'acharne sur de malheureux handicapés. Ces crimes et la peur régnante ne font pas les affaires du Docteur Makabr. En effet, les personnages du manège qu'il dirige sont des êtres difformes. Son ami et associé, Pork, décide de jouer un tour à leur rival, Mordhom, le grand magicien. Il s'introduit chez ce dernier et lui dérobe un étrange objet.
Voilà donc Alfred, talentueux jeune dessinateur qui passe de la collection Encrage (La Digue), considérée comme un laboratoire/tremplin pour jeunes auteurs, à la prestigieuse collection Conquistador. Passage réussi !!! Il ne cache l'influence de  De Crecy (Léon la Came) dans son graphisme. Et ça se sent (particulièrement dans l'utilisation des couleurs).
Bref, même si l'histoire, malgré son originalité,  n'est pas très convaincante (mais ce n'est que le premier album), les planches sont superbes (oublions les deux dernières réalisées sans doute sous la pression ...).