HOROLOGIOM Tome 3, Nahédig : critique d'Arnaud Luc


Après deux volumes de course-poursuite où nous aurons découvert la cité de ses sommets à ses profondeurs, nos fugitifs, quasi-absents de cet épisode, ont trouvé refuge dans une planque de laquelle ils ne bougeront plus, se croyant en sécurité.
Abandonnant ses personnages principaux et laissant là l'action pour privilégier l'atmosphère, Fabrice Lebeault dévoile enfin la véritable face cachée de son univers dont la gravité nous échappait sous le ton alerte et humoristique des précédents albums.

MACHINATION...
L'histoire de ce tome 3 est nettement plus pessimiste puisqu'elle fait se multiplier les complots et disparaître des victimes innocentes. L'intrigue se ramifie autour des personnages qui se découvriront des alliés insoupçonnés et des traîtres inattendus en leur sein. Tout le monde s'espionne, les téléphones sont en permanence sur écoute et chaque institution possède sa police qu'elle lance pour son propre compte aux trousses des héros : on atteint le délire paranoïaque du Prisonnier.

...PSYCHOSE...
Dans ce contexte où il reste défendu de se singulariser se développent quelques psychoses. Nahédig, personnage frustré et schizophrénique, voit sa nature rêveuse contrariée par son conditionnement aux lois de l'automatisme. Il est à la fois la victime du système lorsque à travers sa conscience le torturent ses collègues mécaniques, et la preuve qu'un fond d'humanité subsiste dans la poésie qu'il éprouve à contempler des couchers de soleil.
Néanmoins, l'opposition Nature & Culture n'a jamais été plus vive que chez ce personnage et rappelle avec quelle rigueur les autorités ont aliéné sa population.

...TRISTESSE... Tous les habitants ont une mine sinistre (il est vrai qu'ils sont volontairement constipés) et brident leurs émotions. L'ambiance est d'autant plus pesante dans ce volume que l'action a disparu (plus exactement, elle est devenue muette, renforçant l'effet de gravité cf. : p.28, p.44) au profit d'un suspense développé de façon cinématographique. Gros plans sur les objets fatidiques (téléphones, pistolet…), insistance sur les regards en coin lourds de sous-entendus ; tentative d'assassinat et rêves prémonitoires funestes noircissent la fantaisie que l'étrangeté des mœurs imprimait jusque là. Les tonalités sombres de l'album, l'atmosphère oppressante que suscite un vaste climat de suspicion confèrent une dimension lugubre, tragique et angoissante à l'ensemble.