Vieux fou : critique de Thierry Bellefroid [chroniqueur sur BD Paradisio]


Le précédent opus du duo Moynot/Dieter, « Bonne fête Maman » (Casterman) était un modèle de noirceur. Récit en noir, blanc et lavis, il racontait comment un tueur en série tentait de se raccrocher à l'amour que lui inspirait une junkie qu'il voyait comme un ange. Rien à voir avec ce « Vieux fou » qui paraît quelques mois plus tard, chez un autre éditeur et en couleurs. Il faut dire que les hasards de la parution sont parfois étranges. Bonne Fête Maman a été dessiné il y a plus de deux ans par Moynot, mais pour des raisons de changement d'éditeur, n'est paru qu'à l'automne dernier, immédiatement suivi de « Pendant que tu dors mon amour », une autre histoire d'amour tragique réalisée pour Casterman par Moynot seul.

Revenons à ce « Vieux fou », paru dans l'excellente collection « Sang-Froid » des éditions Delcourt. (collection dans laquelle il n'y a rien à jeter et qui marche apparemment beaucoup mieux en Belgique qu'en France... avis aux amateurs de bons polars aux scénarios bien charpentés. N'hésitez pas à lire « Le pouvoir des Innocents » ou « L'esprit de Warren », par exemple, vous ne POUVEZ pas être déçus ! Fin de la parenthèse) L'histoire de ce vieil anarchiste qui kidnappe un gosse de riche pour assurer ses vieux jours et s'aperçoit après coup qu'il a enlevé le môme du caïd de la drogue de Barcelone m'a tout simplement touché. Le gamin et le vieux forment un magnifique duo et se choisissent véritablement. L'histoire n'est pas fondamentalement neuve, c'est vrai que des kidnappés et des kidnappeurs qui se lient d'amitié, ça s'est déjà vu, mais il y a ici une malice, une légèreté très agréables. La malice, on la retrouve d'ailleurs dans le regard de Javier, le vieux. Une belle gueule de petit vieux avec lunettes, béret basque, passé militant et idées loufoques en bandoulière. Rien à dire, s'il a posé quelques bombes pour le compte de l'ETA, c'était sûrement dans une autre vie. Dieter et Moynot nous l'ont rendu trop sympathique pour qu'on le soupçonne d'avoir jamais tué des gens...

Le gamin, c'est Joaquim. Uniforme de collégien, mais esprit frondeur, et pas con du tout. Il sent la possibilité de bien s'amuser et il ne s'en prive pas, entraînant Javier loin au-delà de ses petits projets de rente alimentaire. Le dessin de Moynot est plus clair que d'habitude, mais l'histoire s'y prête bien, c'est une histoire d'amitié franche et de maffieux caricaturaux. Pas besoin de zones d'ombres, de clair-obscur, de lavis. Et puis, il y a Barcelone, en toile de fond. Avec ses lumières et sa Sagrada Familia, ses ruelles et son téléphérique. Son téléphérique. Ca m'amène à vous parler de la fin de l'histoire, que je me garderai bien de dévoiler. Sachez seulement que ce n'est pas le point fort de ce récit. On a un peu l'impression que les auteurs ont choisi la facilité. Dommage, pour le reste, ce « Vieux fou ! » est un bel album.