Anticyclone : critique de Thierry Bellefroid [chroniqueur sur BD Paradisio]
« Anticyclone » est un des meilleurs albums d'Etienne Davodeau, qui en a
pourtant déjà commis quelques-uns. A la hauteur d'un « Réflexe de survie
» ou de « Quelques jours avec un menteur ». Après un opus un rien premier
degré (« La gloire d'Albert »), revoilà le Davodeau tout en finesse, en
dialogues et en impressions. Etienne est un formidable observateur de la vie
et des gens. Il les croque sans tricher, avec une sincérité qui rend chaque
dialogue authentique, chaque personnage proche de quelqu'un que nous avons
croisé. Nina la grande gueule et Castor le mal-aimé vont se livrer une lutte
sans merci pour conserver leur job. Dans leur course au bonheur -ou plutôt,
à la survie !-, tout est permis. Et personne d'autre ne compte que ceux
qu'ils doivent nourrir. La main tendue d'une femme pétrie d'ennui et entraînée
malgré elle dans cette ronde infernale n'émeut même pas Nina, aveuglée par
son égocentrisme. C'est d'une cruauté et d'une froideur exemplaires. Mais à
prendre comme un constat (tiens, c'est le titre d'un album de Davodeau, ça,
le constat... quel hasard), comme un reportage pris sur le vif, par un scénariste-dessinateur
qui ne s'épanche jamais gratuitement dans ses BD. C'est dur, sans concession,
mais c'est comme du Ken Loach en BD, on ressort avec quelque chose en plus.
Ajoutons que la maîtrise des couleurs et de l'ambiance pluvieuse qui «
baigne » (c'est le cas de le dire) cet album d'un bout à l'autre prouve que
Davodeau est aussi doué comme scénariste que comme dessinateur. Dans ces
deux activités, il privilégie la même approche, une façon d'aller à
l'essentiel qui pourrait s'appeler le dépouillement. Et en plus, cette fois,
il a superbement réussi la couverture !