Le cimetière des dragons (Donjon Tome 101) par Frédéric Vivien


Je l'ai lu et aimé. Comme le faisait remarquer quelqu'un (...), il est plus facile de descendre en flammes un album que d'expliquer pourquoi on l'a aimé.
Du point de vue du ton général, cet album diffère sensiblement des deux autres que compte déjà la série. Les personnages principaux sont toujours ici des anti-héros, mais ils le sont dans un sens plus affirmé. Dans "Coeur de canard" Herbert sauvait finalement le donjon et dans "Le roi de la bagarre" il apprenait finalement a se battre. Certes, rien ne se passait comme prévu, il allait de déboires en déboires, mais il finissait par remplir in extremis sa tâche.
Ici, pas de « happy end ». Les personnages principaux ne font que connaître des déboires et à la fin personne ne gagne quoi que ce soit. La dernière planche nous montre au contraire des « héros » encore plus seuls qu'au début de l'album.
Certes cette histoire est encore teintée d'humour, de formules à l'emporte-pièce et d'absurdes scènes de combats, mais les échecs des héros prêtent moins à sourire ou alors d'un sourire noir. La conclusion de l'album elle-même n'est guère souriante : « les morts ne vont jamais nulle part » (*). On retrouve donc les composantes "habituelles" de la série mais dans une version plus sombre. Le graphisme participe de cette évolution, comme lors de la scène initiale : dessin moins « régulier », avec plus de hachures, que celui de Lewis, couleurs plus glauques. Il est délicat de parler du « graphisme de l'album » car l'album est loin d'être graphiquement homogène. Certaines vignettes sont du « pur » Sfar (la première scène où on voit le Shimøwitz) alors que d'autres ont un graphisme plus lisse et plus dénudé que celui de Lewis (gros plan sur Marvin lors des scènes de bagarres). Cette hétérogénéité est sans doute l'un des charmes de cet album.
L'histoire de cet album se déroule 100 ans après celle des deux premiers. Il était donc inévitable que l'on trouve dans "le cimetière des dragons" des références au passé. Comme on pouvait s'y attendre après avoir lu Joann Sfar décrire sur frab sa position face aux références, on en trouve peu dans cet album. On peut relever, entre autres, que la destruction de Nautamauxime (le village des lapins stupides) que Marvin avait prédite (quelque chose comme "je reviendrai pour massacrer vos petits enfants") a été réalisée. Dans la première vignette ou apparaît le Shimøwitz (orth. ?) j'ai aussi cru reconnaître le "pustule" de Lapinot et les Carottes de Patagonie, mais il s'agissait peut-être d'une hallucination.
Et puis pour finir, ce que je n'ai pas du tout aimé : le logo "crépuscule" rajouté au le titre "donjon", sur la page de garde : le résultat est très moche.
(*) Cette assertion n'est-elle pas quelque part en contradiction avec l'existence des âmes et fantômes qui peuplent les albums ? ;-)