Memoire Morte : l'avis de Jean-Noël in frabd 18/03/00


Que ce soit clair : s'il existe un adorateur de Marc Antoine Mathieu, c'est bien moi.
C'est pas mal, comme début. (...)
Le hasard m'a fait rencontrer l'auteur au café "Le Nil" à Angoulême (c'est très précisément Smolderen qui nous l'a présenté, à Nathalie et à moi).
Au terme des quelques minutes qu'a duré notre conversation, j'avoue avoir rangé M.-A.-M. dans la petite boite des cyber-pessimistes techno-inquiets tendance Paul Virillio.
J'ignorais qu'il venait de finir un album qui se veut clairement une
métaphore de notre civilisation de la technologie et de la communication.

L'album est sorti.
En tant qu'album de Marc Antoine Mathieu, il est tout à fait brillant. Pas
d'effet de pop-ups ou de découpes cette fois-ci, mais une histoire qui
fonctionne et de bien beaux dessins...
Du point de vue de la métaphore sociologique, par contre, toutes mes
craintes se vérifient. Le net devient une mémoire qui se substituerait à la
mémoire des hommes devenus amnésiques et plus ou moins privés de volonté sous prétexte de "merveilleuse technologie", de rapidité, de facilité,...
Bien sûr ce type d'idée est intellectuellement tentante.
D'un autre côté, nous expérimentons (nous ici frabiens) assez Internet pour
connaître ses merveilles et ses limites, ses bonnes surprises ou les
déceptions qu'il suscite... Et surtout le fait qu'on n'y trouve pas grand
chose qui ne soit pas humain.
Le livre tombe à mon avis aussi juste que, si vingt ans après la création
du réseau ferroviaire, quelqu'un écrivait un livre pour expliquer que
passés 30km heures, les trains vont trop vite pour l'être humain...
eh, tain, vous avez vu le parallèle réseau / réseau ? waow !
hum.

Enfin bref, ce n'est pas un mauvais livre, non, mais il est complètement à
côté de la plaque.
Pour vous donner une idée de Paul Virillio, théoricien brillant il y a
trente ans mais un peu dépassé par les évènements (que Marc Antoine Mathieu cite comme référence, hein) :

"Tout est donc prêt à l'aube de ce troisième millénaire pour que nous
parvenions à la solution finale, ou plutôt fatale, du progrès."

(phrase extraite au hasard ou presque de la prose de P.Virillio).