3 allumettes : critique de Thierry Bellefroid [chroniqueur sur BD Paradisio]


Hervé Boivin a vingt-cinq ans et signe ici son premier opus. Un dessin très influencé par le Rabaté d'avant Ibicus, par Blutch aussi, et par moments, proche de ce que fait Edmond Baudoin. Bref, un noir et blanc tranchant, anguleux, qui doit encore trouver sa propre personnalité, mais déjà efficace.
Ici encore, Chauvel se plaît à bousculer les principes habituels de la narration. Deux femmes, l'une jeune, l'autre moins, vont tout abandonner et devenir braqueuses à la petite semaine. Pourquoi ? L'une et l'autre racontent, se racontent, brouillent les pistes, lèvent un coin du voile. Et pendant ce temps, un troisième personnage, flic étrange apparemment névrosé, remonte la piste tout en laissant apparaître ses propres fragilités.
Il n'est pas facile d'entrer dans cet album. Notamment, parce qu'il se compose de fragments épars, sorte de kaléidoscope narratif qui ne se laisse apprécier qu'avec une vue d'ensemble. Mais « Trois allumettes » est certainement le plus abouti des scénarios de David Chauvel. Et sans conteste le plus réussi dans sa recherche d'histoires plus intimistes, de héros plus fouillés. Il y a quelque chose de « Thelma et Louise » dans « Trois allumettes ». Mais curieusement, le scénariste spécialiste du « road-movie » se distingue du film en offrant plutôt une histoire immobile, en miroir, à la recherche des identités de ses protagonistes. C'est tout à fait réussi. Et on espère que pour Chauvel, ce n'est qu'un début.