Tante Henriette : critique de Thierry Bellefroid [chroniqueur sur BD Paradisio]


Madame Mazan nous propose ici un album magnifique, sensible, personnel. Pas besoin d'en dire grand-chose. Tante Henriette a vraiment existé. Comme ont existé les autres personnages et les décors de cette histoire. Tout simplement, Isabelle Dethan y raconte son enfance. Avec une tendresse mesurée, elle nous raconte « sa » Tante Henriette, une femme de la haute bourgeoise qui a élevé l'avarice au rang de religion, ou presque. On rit souvent, mais on n'arrive pas à détester la tante en question. Sans doute parce que Dethan ne la déteste pas non plus. Il y a des scènes superbes, comme celle de l'héritage, celle de l'armoire à provisions, pendant la guerre (mais là, c'est l'oncle Alphonse qui est visé), celle du restaurant, celle de la pâtisserie. Et puis il y a ces mille et un détails qui ne s'inventent pas, comme le sachet de thé réutilisable, les tasses non lavées pour économiser l'eau de vaisselle, les élastiques autour des chaussures ou la ceinture autour de la valise. Bref, tout un petit monde qui sent un peu la nostalgie et que cet album raconte sans fioriture.

Et puis il y a le dessin d'Isabelle Dethan. Un lavis très dilué, très pâle, qui convient parfaitement à l'histoire. Les visages sont superbes, à commencer par celui de la Tante Henriette au nez crochu, les ombres et la lumière sont délicatement travaillées, ciselées par le pinceau. Le tout contribue à donner le sentiment de feuilleter un album de photos de famille et c'est exactement ce qu'il fallait pour apprécier une histoire tellement simple qu'elle pourrait presque en devenir banale si les personnages n'étaient pas si étonnants par eux-mêmes.