Les yeux à vif : critique par [XaV] de Du9


Passons sur le titre. C'est très certainement la chose la moins réussie de ce recueil. Passons également sur les jolies couleurs de la couverture, avec son ciel bleu Hollywood. A l'intérieur, il n'y a que des pages noir et blanc - et surtout noires.
Douze histoires. Douze tranches de vie, parfum doux-amer. De son style un peu anguleux, un peu farouche, Adrian Tomine nous cisèle de petits drames, de ceux dont on ne parle que rarement : ces douleurs sourdes que l'on apprivoise avec le temps, ce mal-être que l'on ne s'avoue jamais, ces petites peurs et ces grandes inquiétudes d'une vie en mal de contact humain ...
De ce livre, il faut écouter les silences. Aux artifices faciles, à la débauche de verbe ou d'images fortes, Adrian Tomine préfère la justesse et la subtilité d'une narration en ellipse, légère et sensible. Ici, la douleur est toujours hors-champ ; que ce soit dans la plus courte de ces histoires - l'une des plus terribles, dans la brutalité de son unique page - ou dans celles, plus lentes, qui accompagnent plus longuement ces non-héros qui nous ressemblent.
Et c'est certainement cela qui fait toute la force de ce livre : cette ressemblance, cette proximité, cette sympathie (dans le sens premier du terme, «souffrir avec») que l'on ressent à la lecture. On se retrouve dans ces histoires, on reconnaît l'écho de l'une de ses expériences inavouées ... et l'on a à nouveau le coeur serré.