Black Hole : critique de [Sylvie Fontaine] de Du9


Indéniablement, Charles Burns est un maître de l'inquiétude ; elle se propulse, bat et s'insinue le long du récit comme la maladie, la crève, s'infiltre dans les corps adolescents de cette histoire.
Burns utilise tous les codes du film d'horreur de série Z et du gore mais loin des citations, en auteur habité, il les détourne et les utilise à ses propres fins, nous promenant du familier - le lycée, les boums, la drague, les copains, la bière, les blagues lourdes, le romantisme adolescent - vers l'étrange absolu - les mutations biologiques, la déliquescence, le sexe, le sang, les rêves prémonitoires.
Le ton aussi bien que la construction du récit-fluide, rythmé de rêves hallucinatoires- participent à l'évocation d'un monde autre, bizarre, comme en suspension, accolé au nôtre (le familier) où tout semble signifier autre chose, d'aussi inquiétant qu'attirant.
Ce balancement, habile et lancinant entre deux univers qui s'interpénètrent et se visitent l'un l'autre plonge les personnages dans une incertitude, un flottement entre l'alerte et le sommeil, et suscite en eux un tiraillement entre la curiosité, l'envie et le dégoût, la répulsion tout en engluant le lecteur dans une tension avide.
Vous l'aurez compris, les effets de ce récit sont si convaincants, si prenants que je suis totalement consternée de devoir attendre encore des mois pour connaître la suite de Blackhole.