Dans le cochon, tout est bon ....
: critique de Thierry Bellefroid [chroniqueur sur BD Paradisio]


Premier ( y en aura-t-il d'autres ?) opus des aventures de Philibert, médecin légiste de son état. Après deux albums dans la collection « Delcourt Jeunesse », revoici donc Mazan « pour les grands ». Un regard ironique, décalé, sur la vie moderne et principalement sur le poids des corps. Il y a de la cellulite à presque toutes les pages et c'est bien normal puisque Mazan nous propose dans cet album une réflexion pleine d'humour sur le rapport à la chair de notre belle civilisation. D'un côté, on trouve le maigrelet Philibert qui découpe les corps ramenés par son flic de frère ainsi que l'anorexique Léa, artiste peintre incomprise par l'avant-garde avec laquelle elle vit par habitude. De l'autre, des logeuses, des baigneurs, des quidams à l'obésité presque obsédante. Comme si le monde se divisait en deux sur la base du seul clivage du tour de taille. Mais il n'y a pas que des histoires de poids et de nourriture (ou de pollution) dans cet album, loin de là. Il y a aussi -il y a essentiellement, devrait-on dire- une histoire d'amour peu banale qui commence sur une plage, se poursuit à la morgue et s'achève, vous verrez bien où.

Mazan a su brosser avec brio le portrait de l'une de ces victimes de la phobie de la propreté et de l'hygiène. Qui ne reconnaîtra pas une connaissance dans ce tableau de femme dépassée par ses phobies ? (attention, ça peut aussi bien arriver aux hommes, hein !) Qui pourrait vivre avec quelqu'un comme Léa sans devenir à moitié fou ? C'est ce que Mazan s'est sans doute dit en faisant de cette asperge aux yeux verts et taches de rousseur une compagne à la fois irrésistible et insupportable, tendre et agaçante, drôle et incurable. C'est tout à fait réussi. On ne rit pas aux éclats comme en lisant un gag de Franquin, mais on sourit en suivant les efforts de Philibert pour s'adapter à la situation, on note au passage la caricature un rien acerbe du milieu de l'art que nous livre Mazan entre deux pages d'angoisses pondérales. On apprécie le ton léger, enjoué, constamment drôle de la narration. Et on se régale de couleurs dont l'auteur a le secret et qui ajoutent à ce drôle d'album une touche artistique du meilleur goût.